De l’idéal de la coparentalité aux modalités pratiques : quels écueils ?
Vers une meilleure compréhension des principes qui sous-tendent les interventions auprès des parents séparés
De l’idéal de la coparentalité aux modalités pratiques : quels écueils ?
Résumé et finalités
Cet article a pour première finalité de déconstruire, d’un point de vue sociohistorique, les principes qui semblent être devenus des évidences lorsqu’il est question de parents en conflit : l’intérêt de l'enfant, la coparentalité, l’égalité parentale, ou encore des slogans tels que « le parental survit au conjugal ». Sa deuxième finalité est de montrer en quoi ces principes sont avant tout des idéaux promus comme des modes de pensée (tels l’égalité parentale) – si pas comme des idéologies – en vue de soutenir la résolution de conflits parentaux, plus que des modalités systématiquement applicables aux situations concrètes (telles l’hébergement égalitaire). Sa troisième et dernière finalité consiste à illustrer par quelques exemples des situations concrètes pour lesquelles ce qui précède pose question, particulièrement quand les représentations individuelles, imprégnées des histoires singulières, sont exacerbées par la situation de crise.
Introduction
Comme à toute époque, certaines « vérités » semblent aller de soi. Peut-être en est-il ainsi de l’attention portée à l’intérêt de l'enfant, à la coparentalité ou à l’égalité parentale, au nom desquels les processus de conciliation ou de médiation seraient entrepris et les décisions (judiciaires ou consensuelles) seraient prises.
Or, si l’attention portée à l’enfant et à la coparentalité nous apparaît comme étant un incontestable progrès, cette attention est également susceptible d’occulter d’autres enjeux, et en particulier ceux qui relèvent des conflits entre ex-conjoints : la répétition du slogan « le parental survit au conjugal » suffit-elle à épurer l’espace parental des résidus de conflits entre les ex-partenaires ? Où et quand les sentiments unilatéraux d’injustice en lien avec la séparation peuvent-ils se reformuler ?
Lorsque la promotion de l’idéal de la coparentalité, voire de l’égalité parentale, ne permet pas de concilier les positions parfois ancrées dans les représentations divergentes et profondes qui se révèlent et se cristallisent au travers de la séparation, que faire de ces dernières, ou peuvent-elles être entendues, reconnues ?
Le présent article ne cherchera pas à répondre à chacune de ces questions, mais bien à pointer en quoi les dispositifs s’adressant à l’après séparation parentale, et les lois[1] récentes en matière de divorce et de garde des enfants, semblent susceptibles à la fois d’accroître la proportion (déjà largement majoritaire) des séparations parentales paisibles ou pacifiées, et ce tant au bénéfice des enfants, des parents et des familles élargies, et des institutions chargées de mettre en pratique les politiques concernées ; et à la fois de stigmatiser encore davantage les protagonistes de situations particulièrement conflictuelles ou enkystées.
En première partie, on pointera d’abord quelques évolutions sociohistoriques de la famille, et des places des hommes, des femmes, des enfants, des individus, dans une société en prise avec un courant égalitaire.
Puis, nous verrons en quoi le concept d’intérêt de l'enfant, puis de coparentalité et d’égalité parentale, seront prônés pour tenter de fédérer les parents autour de valeurs communes.
Il sera ensuite question de droit doux (soft law). La loi belge du 18 juillet 2006 « tendant à privilégier l’hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant » sera confrontée à la tension entre deux conceptions de la loi.
Un point sera également fait à propos de l’évolution vers le « divorce sans faute », évolution qui, à côté de ses indéniables bénéfices, suscite quelques remarques.
En seconde partie, nous reviendrons sur les questions abordées ci-dessus, illustrées par divers exemples inspirés de témoignages, d’entretiens, d’écrits, afin d’attirer l’attention des intervenants sur de possibles écueils consécutifs aux évolutions des modes de pensée et des pratiques abordées en première partie, et sur des ébauches de réponses à ces écueils.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques précisions quant aux limites du présent article semblent nécessaires.
Tout d’abord, il n’y a pas lieu de voir dans les lignes qui suivent une quelconque nostalgie. Il s’agit de pointer certaines répercussions de changements sociétaux, et d’attirer l’attention des intervenants sur l’effet de leurs propres valeurs et présupposés, ancrés dans « l’air du temps », sur les personnes qu’ils « accompagnent », elles-mêmes inscrites dans leurs propres représentations.
D’autre part, ce n’est bien évidemment pas en quelques lignes que l’on peut dépeindre de manière fine et fidèle des évolutions aussi complexes et intriquées, interdépendantes. Il s’agit donc d’un tableau peint à grands coups de gouache, pour tenter de faire ressortir quelques éléments déterminants parmi d’autres. Le lecteur intéressé pourra trouver une analyse plus fouillée, ainsi que des précisions sur la définition des concepts évoqués ici dans la première partie de l’ouvrage « Parents séparés : contraints à l’accord ? »[2] (la seconde partie de cet ouvrage consiste en une analyse, réalisée à partir d’entretiens menés auprès d’intervenants de l’après séparation parentale, des discours de ces intervenants à propos de l’intérêt de l'enfant, de la coparentalité, de l’égalité parentale – et de la non-représentation d'enfants).
Enfin, il est utile de préciser que l’on ne pourra ici prétendre aborder la réalité des divers et nombreux champs d’intervention de l’après séparation parentale. Seront ici abordées des questions qui gagneraient, me semble-t-il, à rester présentes à l’esprit des intervenants pour clarifier le sens, la raison d’être de leur intervention.
I. Séparations parentales : évolutions sociohistoriques et législatives
1. Émancipation, quête d’autonomie, réalisation de soi
Au cours des années 60-70, un large mouvement d’émancipation s’est opéré : réalisation de soi, épanouissement personnel, écoute et respect de ses besoins propres et de ses sentiments, revendication de droits subjectifs, revendication de plus de liberté et d’autonomie des individus à choisir leur vie, prennent un essor considérable[3], contribuant à remodeler notamment l’espace du couple, de la famille, et aussi de l’enfant comme on le verra plus bas.
Ce mouvement centré sur l’individu s’inscrit dans une profonde mutation des relations, qui tendent à plus d’égalité entre les hommes et les femmes, entre les générations, entre les individus et les institutions. Je reviendrai plus loin sur ces trois champs d’application d’un courant égalitaire.
Parmi les libertés progressivement acquises figurent celles de « choisir » son couple, et aussi de se séparer, de divorcer. Si le divorce pour faute, ou pour « cause déterminée » reste pour quelques décennies encore très présent, des formes plus négociées et consensuelles se développent. Mais quelles qu’en soient les formes, les divorces sont alors en augmentation fulgurante, et leur proportion vis-à-vis des mariages est d’autant plus grande que ceux-ci diminuent – sans pour autant que la vie en couple (qu’il s’agisse de « cohabitants légaux » ou de toute autre forme de vie en couple) se réduise.
Ainsi, à titre indicatif, en Belgique[4], le nombre de mariages s’est progressivement réduit (7,11 mariages pour 1000 habitants en 1960, 5,85 ‰ en 1985, 4,17 ‰ en 2004), et le nombre de divorces a explosé (selon les mêmes sources, 0,50 divorce pour 1000 habitants en 1960, 1,88 ‰ en 1985, 3,02 ‰ en 2004). Si donc il y avait de l’ordre de 7 couples qui divorçaient quand 100 se mariaient en 1960, on dépasse les 70 % en 2004, soit de l’ordre de 3 couples qui divorcent durant la période où trois autres se marient …
L’augmentation des divorces dès le milieu des années soixante s’explique également par l’affaiblissement de la pression morale des discours pathologisants des deux décennies précédentes sur l’effet du divorce sur l’enfant[5], signe de l’intérêt croissant que portent les sciences humaines (dont la sociologie et la psychiatrie) et les médias sur les questions de la petite enfance.
L’amélioration des conditions matérielles depuis les années 50, et la place croissante des femmes dans le monde du travail, et donc l’affaiblissement très progressif des contraintes financières et matérielles à rester ensemble, ont eux aussi été des facteurs déterminants.
1.1. La quête d’égalité entre femmes et hommes et la place des pères
Durant cette même période de la fin des années 60 et du début des années 70, et principalement à l’initiative de mouvements féministes, s’intensifie la quête d’égalité (entre autres concernant l’accès au travail et à l’indépendance financière) entre femmes et hommes, ainsi que la revendication, émanant de la part de mères et de pères, que ces derniers s’impliquent plus dans les rôles parentaux (et domestiques).
Progressivement, et particulièrement dans les années 1980, la croyance que les deux parents ont la capacité d’élever leurs enfants (dans les familles unies comme après les séparations) a un écho de plus en plus large, faisant l’objet de prises de position – de plus en plus médiatisées, comme le souligne entre autres le sociologue Gérard Neyrand[6] – du monde « psy », sans pour autant faire l’unanimité. Notons d’ailleurs que si à ce jour, comme on le verra plus loin, la coparentalité et l’égalité parentale sont souvent présentées comme des évidences, répondant au besoin (lui aussi souvent présenté comme allant de soi) de l’enfant d’avoir deux parents « pour la vie », les débats continuent, et parfois de manière passionnelle. En témoignent des écrits tels que Le livre noir de la garde alternée[7].
1.2. La place centrale de l’enfant, et le développement de l’égalité entre les générations.
L’avènement de la pilule, et, de manière plus large, la liberté de recourir à la contraception, mais aussi à l’avortement, ont concouru au mouvement d’émancipation et au sentiment de liberté de la femme (et du couple).
Le fait de pouvoir choisir d’avoir un enfant « si je veux, quand je veux » a également contribué à ce que l’espace réservé à cet enfant désiré et choisi soit le centre de toutes les attentions. Comme le soulève Gérard Neyrand, « on pourrait presque dire que cet espace a crû en proportion inverse à la diminution du nombre des naissances »[8].
Pourtant, la place de l’enfant n’a pas toujours été égale à celle des adultes … Il a fallu des siècles, comme le montre l’historien Paul Servais[9], pour que, sur le plan iconographique par exemple, l’enfant, d’abord représenté comme un adulte de petite taille, portant des vêtements d’adulte, soit représenté sous les traits d’enfant, ou de poupon. Des siècles aussi pour que, sur le plan iconographique toujours, la place occupée par l’enfant passe progressivement des marges vers le centre du système familial.
Mais il y est arrivé, au centre. A titre d’exemple, on notera avec un brin d’humour l’évolution des faire-part de naissance. Aujourd’hui, c’est bien souvent le nouveau-né qui annonce lui-même sa venue, images à l’appui. En petit, ou sur le côté, on apprendra qu’il a des parents, très contents d’ailleurs, dont on ne connaîtra pas toujours le nom de famille …
De manière générale, et de façon croissante au cours des années 60 à 90, en passant par la convention des droits de l’enfant de 1989, l’enfant « existe », est reconnu, avec ses spécificités, ses besoins, ses droits, dont celui d’être entendu.
Le mouvement égalitaire et la quête de droits ne se limitent donc pas aux relations hommes – femmes : l’enfant est de plus en plus reconnu comme un sujet de droit, un sujet égal (« en humanité »[10]) aux autres.
Comme le soulève le psychiatre et psychanalyste Jean-Pierre Lebrun, « la promotion des “droits de l’enfant”[11] est aujourd’hui emportée par le courant puissant d’un idéal démocratique qui s’est donné pour tâche la libération de toute inégalité »[12].
Il n’est donc pas surprenant que les repères qui fondent l’autorité parentale soient vacillants, ou du moins en viennent à poser des questions de légitimité, comme le souligne Françoise Dekeuwer-Défossez : « Pour dire les choses simplement, l’autorité parentale résulte de la place respective des parents et des enfants dans la famille. L’enfant est soumis à l’autorité de ses parents parce que les parents sont la cause de la venue au monde de l’enfant. Ils ont donc sur lui un pouvoir qui résulte de la nature, de l’histoire, et qui ne peut ouvrir aucune réciprocité, les places respectives n’étant à aucun titre interchangeables.
Or, dans notre société, l’idée que l’autorité résulte simplement d’une place, d’une situation est de plus en plus mal perçue. »[13]
Si cette question de la légitimité de l’autorité se pose dans les relations au sein de la famille, elle se pose également dans les relations entre les institutions et les personnes, par exemple entre le monde judiciaire et les justiciables.
1.3. L’égalité des places, ou « l’acte de décès de la société hiérarchique »[14]
Selon Jean-Pierre Lebrun, « exercer une autorité suppose que soit reconnue implicitement la légitimité d'une place prévalente, donc aussi la différence des places. Dispose donc de l'autorité celui à qui l'on reconnaît qu'à partir de la place qu'il occupe, ce qu'il dit n'a pas la même valeur que ce que disent ceux qui n'occupent pas cette place. Une différence de statut de la parole est ainsi reconnue symboliquement, qui implique que cette reconnaissance ne dépende pas seulement de l'accord de l'autre, mais bien plutôt de l'adhésion - implicite ou explicite - à un pacte qui antécède et dépasse les interlocuteurs en présence »[15].
Or, selon ce que développe le même auteur au travers d’un autre article[16], tant la reconnaissance de la différence des places que la référence à une position d’extériorité ne vont plus de soi dans notre société contemporaine.
Il y explique que la nécessité de la différence des places a été transmise pendant des siècles d’une part par le système religieux, et d’autre part par la suprématie mâle.
La fin du religieux et la fin de la suprématie mâle, conjoints dans la fin du patriarcat, entraînent donc, dit-il, une mutation profonde du lien social. Celui-ci était organisé jusqu’il y a un demi-siècle par la présence légitime d’une position d’extériorité, une place d’exception, autrement dit d’une hétéronomie, qu’il s’agisse de l’État, du chef, du père, du roi, du président, du maître … (et j’ajoute : du magistrat). C’est cette place de transcendance, qui allait de soi, « qui figurait la perte nécessaire et celui qui l’occupait était en mesure d’imposer les interdits en toute légitimité. Tout se passe aujourd’hui comme si nous nous étions affranchis non seulement de toute transcendance divine, mais dans le même mouvement de toute place de transcendance, autrement dit du transcendantal comme tel. Non seulement de quiconque occupait cette place, mais du bien-fondé de la place d’exception elle-même »[17].
Notons que Jean De Munck et Marie Verhoeven résument ce à quoi mène cette évolution en cette phrase : « L’invariant normatif moderne, c’est donc l’impossibilité de recourir à une extériorité transcendante pour fonder l’ordre social »[18].
Selon Lebrun[19], en quelques décennies, notre société s’est donc émancipée de toute référence à une position d’extériorité, signant ce que Rosanvallon et Théry, cités par l’auteur, ont appelé « l’acte de décès de la société hiérarchique »[20].
L’estompement du modèle religieux, ébranlé tant par le discours de la science que par celui de la démocratie (entre autres l’évolution vers une égalité hommes-femmes), a fait croire que la référence à la place d’exception peut disparaître également, rendant illégitime ou obsolète son occupation, et faisant apparaître comme incongrue toute asymétrie et risque de hiérarchie.
Dès lors que la place d’exception ne va plus de soi, nous sommes dans une crise de la légitimité. En effet, qu’est-ce qui légitime encore d’occuper une place qui n’est plus reconnue ?
La légitimité tant de la place d’exception elle-même que de ceux qui l’occupent est donc fragilisée.
Mais sans cette légitimité, explique Jean-Pierre Lebrun, ceux qui ont une responsabilité (enseignants, politiques, dirigeants, parents, magistrats, …) ne disposent plus de ce qui leur permettrait d’occuper leur place, leur autorité. C’est pourquoi, selon Lebrun, ils tentent de faire appel à la négociation, ou tentent d’obtenir leur légitimité de la part de ceux qu’ils sont censés diriger (et cette évolution menant les institutions ou les autorités à faire appel à la négociation et la prise de conscience plutôt qu’à imposer une norme, une règle, ou une décision contraignante, se retrouve dans diverses facettes de notre société[21]).
Comme on le verra plus loin, cette mutation se retrouverait dans le rôle d’accompagnement que joueraient de plus en plus certains juges et autres intervenants judiciaires et parajudiciaires, en tant qu’ « artisans d'une paix familiale »[22], en vue de susciter l’adhésion des parties à une décision négociée, ou, encore mieux, menant à ce que les parents se réapproprient le processus de décision.
2. L’intérêt de l'enfant, une planche de salut ?
Revenons en arrière …
Dans la majorité des pays occidentaux[23], l’intérêt supérieur de l'enfant devient, au cours des années 1970, le critère principal des modalités d’attribution de la garde des enfants après la séparation de leurs parents, remplaçant celui de « l’âge tendre », selon lequel les enfants en bas âge étaient confiés à la mère en cas de séparation[24].
L’augmentation du nombre de demandes, de la part de pères, de se voir attribuer la « garde »[25] (hébergement principal), ou du moins l’élargissement ou la concrétisation effective d’un « droit de visite » (hébergement secondaire), contribue au glissement progressif de débats essentiellement conjugaux vers des débats se focalisant davantage sur l’intérêt de l'enfant, et, au nom de cet intérêt, sur les qualités parentales[26].
L’intérêt de l’enfant et la recherche d’une situation la mieux adaptée à ses besoins (physiques, psychiques, affectifs) semblent de nature à fédérer l’intérêt de tous – parents, avocats, magistrats.
Pour les séparations parentales qui sont l’enjeu de conflits virulents, l’intérêt de l’enfant, pourtant vraisemblablement introduit avec pour finalité de solutionner les conflits autour d’une valeur commune, devient fréquemment l’étendard de toutes les argumentations, aussi opposées soient-elles. « La référence à l’intérêt de l'enfant alors, loin d’éclairer le débat l’obscurcit, tant elle est devenue la condition universelle de toute prise de position sur la question et que, fonctionnant comme sa justification, elle en devient son alibi »[27].
Étant, en droit en particulier, une notion floue, l’intérêt de l'enfant laisse la place à l’interprétation et à la subjectivité – ceci justifiant peut-être que le judiciaire, pour légitimer ses positions, s’appuie sur les références scientifiques que représentent les psychologues ou leurs études[28].
Mais comme le pointe Gérard Neyrand, citant Jacques Commaille, dans le domaine familial, «plus peut-être que dans beaucoup d’autres domaines, les vérités “scientifiques” apparaissent bien comme des constructions sociales où l’argument d’autorité de la science ne fait souvent que masquer, sous l’apparence du raisonnement scientifique, la réalité de la position idéologique: celle d’une minorité s’arrogeant le droit de produire les valeurs pour la société tout entière, celle de l’“air du temps”»[29].
Et, découlant de l’intérêt de l'enfant, l’une des valeurs dans « l’air du temps » est le soutien à la parentalité, puis à la coparentalité.
3. Responsabiliser les parents, soutenir la « coparentalité ».
La phrase « le parental survit au conjugal » résume à elle seule la pression mise sur les parents en conflit pour surmonter leurs conflits, pour réaliser un « bon divorce ».
Certains auront eu des occasions, comme moi, de voir le sourire ému et un tantinet condescendant des convives à une cérémonie de mariage, en entendant les jeunes époux prononcer les mots « pour toujours ».
Peut-être y aurait-il des réactions moins marquées face à l’affirmation « on est parents pour toujours », qui pourtant, quand on y réfléchit posément, n’est tout compte fait pas si évidente que cela. Mais cela mériterait en soi un autre débat …
Jusqu’il y a quelques décennies à peine, donc, on « se mariait pour toujours ». Maintenant on est « parents pour toujours ».
Ce n’est peut-être pas sans lien avec un point qu’indique Gérard Neyrand : dans les familles contemporaines, du fait que le critère de l’éducation et la formation est devenu plus pertinent que celui du patrimoine familial pour définir la future place sociale des enfants, « les jeunes parents sont placés en dépositaires du bien-être de leur descendance, en survalorisant la dimension éducative, les installant dans une quête d’excellence parentale »[30]. Lorsque la famille est unie, ou du moins tant que les tensions ou désaccords ne justifient aucune intervention extérieure, cette pression à l’excellence des parents restera du ressort du privé. Mais si les parents sont séparés et en conflit, leurs qualités parentales feront l’objet d’une attention accrue. Elles seront potentiellement soutenues et valorisées, mais aussi susceptibles d’être scrutées de près, particulièrement si le conflit se déplace devant le judiciaire, où l’argument des incompétences ou de l’inadéquation de l’autre parent seront souvent pointées par l’un des protagonistes ou par les deux.
En effet, au même titre que les catégories sociales précarisées qui se voient soumises aux dispositifs nouveaux des politiques sociales, les familles en difficulté seront bien plus que les autres soumises à des incursions dans leur vie privée, ou « soumises à des injonctions quant à leur manière d’être »[31].
Et la coparentalité fait certainement partie de ces injonctions. Selon le principe de la coparentalité, il est dans l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents, même lorsque ceux-ci sont séparés.
L’exercice conjoint de l’autorité parentale, repris par la loi du 8 janvier 1993 en France, et celle du 13 avril 1995 en Belgique, n’imposait néanmoins pas une forme d’égalité entre les parents – concrètement, l’hébergement principal des enfants chez un des parents (le plus souvent la mère), et secondaire, par exemple un week-end sur deux et la moitié des congés scolaires, chez l’autre parent (le plus souvent le père) était en soi conforme avec cet exercice conjoint de l’autorité parentale.
Depuis quelques années, et entre autres à l’initiative de mouvements de pères, mais aussi dans un contexte qui fustige ce qui pourrait être discriminatoire, la coparentalité sous-entend non seulement le fait qu’il serait de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, mais aussi que ce « développement systématique de la prise en charge commune de leurs enfants »[32] devrait se concevoir dans une visée d’égalité entre les parents.
L’égalité parentale s’est ainsi progressivement imposée comme l’un des modes (et non le seul mode) d’apaisement des conflits parentaux. L’une de ses applications concrètes est la résidence alternée en France, l’hébergement égalitaire en Belgique. Il ne s’agit donc plus seulement d’un principe, d’un concept, comme celui de « l’intérêt supérieur de l'enfant », ou de la « coparentalité », ou encore d’un idéal comme celui du « divorce réussi » ou du « parental qui survit au conjugal », mais de modalités pratiques, concrétisables. Ceci n’est pas sans incidence sur les stratégies développées par les parents et les professionnels face aux situations conflictuelles.
Les avis à propos de ces modalités de partage de la garde de manière égale suscitent encore de vives polémiques.
Pour Françoise Dekeuwer-Défossez, « Hier interdite comme contraire aux besoins de stabilité de l’enfant, elle [la résidence alternée] est aujourd’hui considérée comme la panacée des séparations douces. De fait, cette justice de Salomon consiste tout bonnement en un partage de l’enfant, et donne l’illusion d’une solution parfaitement équitable, alors qu’elle s’apparente parfois à une absence de solution. La résidence alternée est aussi un moyen de ne pas affronter la réalité de la séparation »[33].
Pour Gérard Poussin, par contre, ce qui est particulièrement traumatisant pour l’enfant, c’est le conflit entre ses parents, dont, qui plus est, il serait l’enjeu. Selon les études sur lesquelles il s’appuie, il serait hautement probable, si pas prouvé, que la résidence alternée (hébergement égalitaire en Belgique) serait de nature à apaiser ce conflit. Si d’autres éléments ne vont pas à l’encontre de cette forme d’hébergement (on peut bien sûr penser, entre autres, à des questions de distance entre les parents, ou de qualité minimale de leurs relations, du très bas âge de l’enfant), il serait de l’intérêt de l'enfant d’envisager cette modalité, ou du moins de permettre aux parents d’en faire le choix, le risque de l’alternance pour l’enfant étant à mettre en balance avec celui de couper le lien de l’enfant avec un parent auquel il serait attaché.
De l’analyse des discours de magistrats reprise dans « Parents séparés : contraints à l’accord ? »[34], ressortait un contraste de leurs représentations entre ce qui concerne d’une part l’hébergement égalitaire en tant qu’idéal, favorisant le respect du droit de chaque parent à entretenir une relation privilégiée avec l’enfant, et réciproquement, du droit pour l’enfant d’entretenir une relation privilégiée avec ses deux parents, et la reconnaissance a priori d’une égalité des capacités parentales des deux parents, et d’autre part la praticabilité de l’hébergement égalitaire en tant que modalité d’hébergement de l’enfant dont les parents sont séparés.
Pour ce qui est de la promotion de l’idéal, il y avait une convergence sur son utilité et son bien-fondé. Pour ce qui est de son applicabilité, la tendance était à pointer que cela restait une modalité parmi d’autres, mais peu praticable. Pour l’un des magistrats, cette voie ne convenait ni aux enfants en bas âge, ni aux ados qui ont besoin de leur réseau de relations, ni aux parents qui n’ont pas tous les deux une disponibilité et des moyens financiers suffisants, ni à ceux qui n’ont pas une entente suffisante …
Il faudrait ajouter à ceci la représentation des parents sur leur propre place, et sur la place de l’autre.
4. Des parents imprégnés de modèles liés à leur parcours de vie
A côté des réflexions, regards, ou polémiques entre représentants de différentes professions, ainsi qu’entre divers associations et mouvements parfois très radicaux, il y a aussi la réalité et le vécu de « simples » parents, imprégnés de leur propre parcours de vie.
On l’a vu plus haut, le courant égalitaire qui traverse notre société, au point parfois de provoquer une phobie de toute situation qui pourrait apparaître comme « discriminatoire » – ce courant égalitaire est relativement récent, et constitue pour Gérard Neyrand le dernier de trois modèles historiques.
Pour le premier, théocratique et patriarcal, dominant jusque sous l’Ancien Régime, le père est le chef de famille, à l’image du roi, « représentant de Dieu le père pour ses sujets ». Son autorité est incontestable. « Dans cette conception », écrit Gérard Neyrand, « les places des hommes et des femmes sont opposées mais d’une certaine façon symétriques, l’un étant en haut et l’autre en bas, à l’image de la représentation que l’on se fait alors du sexe féminin comme le symétrique inversé et imparfait du sexe masculin »[35]. Le pouvoir paternel, tant à l’égard de la femme que des enfants, est considérable.
Le deuxième courant, naturaliste (ou rousseauiste), se développe au siècle des Lumières : comme son nom l’indique, c’est dans la nature (plus que dans une vision théocratique) que vont s’inscrire les différences entre les hommes et les femmes, entre les pères et les mères. Cette conception nouvelle va être appuyée par les progrès de la médecine. Et c’est également dans la nature, explique Gérard Neyrand[36], et non plus essentiellement dans la religion que va se ré-ancrer la domination sociale masculine. La femme va être assignée à ses responsabilités maternelles, et l’homme a, de son côté, à tenir sa place dans l’espace public.
Le troisième courant, égalitaire (ou démocratique), déjà bien évidemment présent au moment de la révolution française, fera son chemin, de manière étroitement liée à l’autonomisation de l’individu, la nucléarisation de la famille, le développement des droits (individuels et collectifs), l’affaissement progressif des normes établies, l’effritement de l’influence de la religion. Mai 68 sera bien entendu un jalon déterminant.
Gérard Neyrand pointe que, plutôt que se succéder, ces modèles se superposent : ils habitent tout un chacun dans des proportions liées à son histoire.
On peut faire l’hypothèse que, face à une crise, telle une séparation, certains modèles profondément intériorisés pourraient refaire surface.
Ainsi, l’on pourrait retrouver, même chez des parents qui ont fonctionné de manière relativement égalitaire durant leur vie commune, un discours plutôt naturaliste chez certaines mères (« c’est moi qui les ai portés, mis au monde, qui les ai nourris, allaités … C’est moi qui ai veillé sur eux quand ils étaient malades. C’est normal, c’est biologique. On ne peut pas les arracher de leur maman à mi-temps ! ») ; ou un repli plutôt patriarcal chez certains pères (« pas question que je paie à leur mère une contribution alimentaire pour les enfants, surtout si je ne sais pas à quoi servira cet argent »).
Il ne faut pas pour autant négliger l’impact symbolique des courants idéologiques, ou à la force structurante de la loi. A ce propos, Gérard Neyrand nous dit que « la loi possède un pouvoir d’autant plus structurant sur les individus que ceux-ci se trouvent dans une situation de crise relationnelle qui entraîne la perte de leurs repères antérieurs (ce qui est le cas des divorçants) – et c’est encore plus vrai s’ils ne possèdent pas les moyens culturels nécessaires à une prise de distance à l’égard de l’institution (…). Ainsi, la plupart des individus ne peuvent assumer sereinement une situation que si celle-ci possède une légitimité sociale et qu’elle est reconnue comme telle. Or, c’est essentiellement le droit qui, en l’occurrence, peut conférer à la pratique sa légitimité (…) »[37].
5. Des lois s’inscrivant dans le « droit doux » (soft law)
« Ce droit doux (soft law), parce que dépourvu de dimension contraignante, est aussi inévitablement un droit flou: formulé en termes d'objectifs, directives ou de recommandations, le droit perd de sa précision (…). Faute de prédétermination, la signification des énoncés juridiques dépendra dans une large mesure de l'interprétation qui en sera donnée, notamment par le juge... »[38].
Dans un article des Cahiers du Conseil constitutionnel (France)[39], Véronique Champeil-Desplats met en évidence la tension entre deux conceptions de la loi : selon une conception autoritaire, héritée du XIXème siècle, la loi doit dicter clairement ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Véronique Champeil-Desplats se réfère à « Portalis, pour qui la loi permet ou elle défend, elle ordonne, elle établit, elle punit ou elle récompense ». Selon l’autre conception, que certains qualifient de « postmoderne », ou ayant une fonction promotionnelle, la loi « agirait d'autant mieux sur les comportements lorsqu'elle n'impose rien et qu'elle se contente d'inciter, de favoriser ou d'inviter ».
Le droit souvent considéré comme émanant d’un consensus social peut aussi en être le promoteur.
Les termes utilisés dans l’intitulé de la loi (fédérale belge) de 2006 sur l’hébergement égalitaire nous fournissent un exemple de cette tension : « Loi du 18 juillet 2006, tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant ». On remarquera d’emblée la distinction des termes utilisés dans les deux parties du titre : (« tendant à privilégier l’hébergement égalitaire … », et « réglementant l’exécution forcée … »).
5.1. Une loi tendant à privilégier l’hébergement égalitaire
La première partie de cette loi (et de son intitulé) s’inscrit dans une « conception promotionnelle » telle que décrite plus haut par Véronique Champeil-Desplats.
Dans le cas présent, la promotion de l’hébergement égalitaire de l’enfant dont les parents sont séparés apparaît comme un moyen de promouvoir l’idéal d’une coparentalité non conflictuelle, dialogique. Le fait de proposer un modèle qui s’appliquerait à défaut de contre-indication concrète, et de développer l’égalité entre les parents vis-à-vis de l’enfant, auraient pour finalité de diminuer les sources de conflits entre parents. En ce sens, cette loi est moins « floue » que la loi belge de 1995, qui laissait encore davantage de liberté au juge pour fixer les modalités d’hébergement de l’enfant (au nom de son intérêt supérieur) après séparation de ses parents.
Il va sans dire que si cette modalité s’est vue inscrite dans la loi, c’est en grande mesure sous l’impulsion de pères, pour lesquels l’accès à une place effective de parent « à part entière » était culturellement difficile à obtenir. La placer comme modalité par défaut permettait de sortir d’une nécessité de recourir systématiquement à une posture de combat.
Mais comme on l’a vu plus haut, en « tendant à privilégier » (on est encore loin d’un droit contraignant) l’hébergement égalitaire en tant que modalité concrète de l’hébergement de l’enfant dont les parents sont séparés, le législateur a dépassé la promotion d’un idéal, d’un concept, pour le traduire potentiellement dans le concret. Cela pourrait apparaître comme le passage progressif d’un « droit doux », promotionnel, vers un « droit dur », plus affirmé[40].
La lecture de la loi de 2006[41] nous montre aussi la volonté du législateur de promouvoir la conciliation et la médiation (la loi donne explicitement le pouvoir au juge d’ordonner la surséance de la procédure si un rapprochement est possible et qu’un processus de médiation peut y contribuer).
D’autre part, la « saisine permanente » offre la possibilité pour les parties de revenir devant le juge de la jeunesse sans devoir passer par un nouvel acte introductif d'instance, ce qui engendre une simplification et une accélération de l'intervention du magistrat. Cette ouverture à une constante adaptation, plutôt propice à une diversité des modèles et à la gestion « sur mesure » s’inscrit parfaitement dans une logique d’accompagnement, qui semble signer un changement de représentation de certains (tant parmi les praticiens que parmi les politiques) quant au rôle du juge, changement que l’on retrouve dans d’autres pays également : le Juge (français) aux affaires familiales (JAF) Marc Juston, par exemple, postule que « La justice change de visage : on attend aujourd'hui des juges, non pas seulement de « trancher » en disant le droit, mais d’être les artisans d'une paix familiale, en incitant les parties à la voie du dialogue et des solutions négociées »[42].
Une logique d’accompagnement donc, qui reste, malgré un modèle par défaut (en Belgique, le juge est tenu d’envisager l’hébergement égalitaire s’il est demandé par l’un des parents au moins), inscrite dans une gestion du cas par cas. Le juge tentera, dans toute la mesure du possible, de veiller à ce que la solution préconisée ou imposée, vraisemblablement provisoire[43] pour être en phase avec l’évolution de la situation singulière et l’évolution des mentalités, suscite l’adhésion des parties, faute de quoi la décision risquerait de n’être pas respectée – on reviendra à l’exécution de la décision judiciaire dans un instant. Mais parfois, les représentations, volontés, exigences des parents s’avèrent inconciliables au moins sur certains points, et c’est bien cela qui justifie une décision, même provisoire.
Qu’en est-il lorsque la décision du juge n’est pas respectée[44] ?
5.2. L’exécution forcée de la décision judiciaire en matière d’hébergement d’enfants.
Comment faire en sorte que la décision judiciaire en matière d’hébergement après séparation soit quand même exécutée, tout en veillant à l’intérêt de l’enfant ? On s’aperçoit ici d’un paradoxe : a priori, cette décision a été prise dans l’intérêt de l'enfant … Si elle est exécutée, c’est donc aussi dans l’intérêt de l'enfant !
L’on pourrait donc s’attendre à ce que la seconde partie de la loi (et de son intitulé : « … et réglementant l’exécution forcée en matière d’hébergement d’enfant ») s’inscrive dans une « conception autoritaire de la loi ». Comme le mentionnent Nathalie Dandoy et Florence Reusens, il s’agit plutôt « d’un compromis entre d’une part la volonté de ne pas permettre que des décisions de justice en matière d’hébergement d’enfants restent lettre morte à défaut de possibilité d’exécution forcée et d’autre part, les conséquences humaines dramatiques que cette exécution peut entraîner pour l’enfant »[45].
On remarquera donc sans surprise que les premiers moyens donnés au juge par la loi belge de 2006 pour veiller à l’exécution de la décision sont orientés vers le dialogue et la négociation (conciliation, médiation, expertise, voire appel à un espace-rencontres). Reprenons l’article 387ter, qui fixe que, « lorsque l'un des parents refuse d'exécuter les décisions judiciaires relatives à l'hébergement des enfants ou au droit aux relations personnelles, le juge peut notamment :
- procéder à de nouvelles mesures d'instruction telles qu'une enquête sociale ou une expertise
- procéder à une tentative de conciliation,
- suggérer aux parties de recourir à la médiation telle que prévue à l'article 387bis.
- prendre de nouvelles décisions relatives à l'autorité parentale ou à l'hébergement de l'enfant.
- sans préjudice des poursuites pénales, autoriser la partie victime de la violation de la décision (…) à recourir à des mesures de contrainte. Il détermine la nature de ces mesures et leurs modalités d'exercice au regard de l'intérêt de l'enfant et désigne, s'il l'estime nécessaire, les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de sa décision.
- prononcer une astreinte tendant à assurer le respect de la décision à intervenir (…) ».
Quant aux deux derniers moyens (repris ci-dessus) prévus par l’article 387ter de la loi de 2006 pour faire exécuter sa décision, on notera que si le juge a un relativement large pouvoir dans la fixation des modalités de l’hébergement, son pouvoir et son autorité (de même que ceux d’autres intervenants judiciaires) semblent dans les faits assez limités quand il s’agit de faire exécuter une décision non respectée. Ceci n’est évidemment pas sans lien avec l’évolution de nos modèles culturels, et notamment l’affaissement de la place d’autorité, sujet abordé plus haut.
Plusieurs des magistrats avec lesquels je me suis entretenu dans le cadre de l’analyse que j’ai menée[46] pointaient par exemple que, face à une non-représentation d'enfants, entraînant parfois une réelle rupture du lien entre un parent (parfois totalement rejeté sans justification par les faits) et l’enfant, plus aucun huissier de justice n’était, en Belgique, prêt à aller chercher de force l’enfant chez l’autre parent pour l’amener chez le premier, conformément à une décision judiciaire. Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur l’opportunité d’une telle « violence institutionnelle », on peut en tout cas constater qu’elle est très peu praticable et pratiquée.
Quant au recours à l’astreinte, ou au changement ou l’inversion des modalités de l’hébergement comme moyens de pression ou de résolution, ils semblent rester tout à fait exceptionnels.
5.3. Le divorce « sans faute »
Présentes dans certains pays occidentaux, en voie d’être votées dans d’autres, les lois en faveur du « divorce sans faute » évitent l’obligation de démontrer (et parfois d’abord de trouver !) une faute chez l’autre pour pouvoir rapidement et unilatéralement solliciter le divorce (ou la séparation de couples non mariés), et c’est tant mieux : on évite ainsi un très sérieux risque d’escalade.
La loi belge du 27 avril 2007 réformant le divorce s’inscrit dans ce courant : elle supprime le divorce pour « cause déterminée », et instaure le divorce pour « désunion irrémédiable »[47]. Il est utile de noter qu’il ne devient pas nécessairement pour autant un divorce par consentement mutuel, au cours duquel une part de l’éventuel conflit pourrait être traitée. D’une certaine manière, les procédures unilatérales rendues possibles par le divorce « sans faute » permettent même de ne plus devoir arriver au consentement. Il suffirait de signifier un préavis : « pour ton info, dans 12 mois, on sera divorcés. Que tu le veuilles ou pas » …
L’une des motivations de cette réforme était « d’humaniser » le divorce, et pour ce faire, notamment, de raccourcir et de faciliter le dénouement juridique du mariage.
L’on peut se demander, comme l’a fait le Professeur Jean-Louis Renchon[48], si le fait de raccourcir la durée, voire de précipiter le divorce, permettra d’éviter le report de conflits non résolus vers des litiges relatifs aux enfants, aux pensions alimentaires entre époux, ou encore au partage des biens.
II. Réflexions et questions à l’attention des intervenants de l’après séparation parentale.
De tout ce qui précède, et de ce qui en découle, on pourrait brosser grossièrement le tableau suivant :
Depuis une quarantaine d’années, l’individu est imprégné du droit à la réalisation de soi, à son propre épanouissement personnel – et n’est donc pas prêt à renoncer à la revendication de ces droits. Depuis presque autant d’années, la pérennité du couple ne prime plus sur les besoins et droits individuels, et les séparations se sont multipliées. En cas de séparation parentale conflictuelle, chaque individu est susceptible de se recentrer sur la définition de ses besoins propres et sur sa vision de son rôle (et de celui de l’autre) en tant que parent.
L’intérêt de l'enfant est placé comme référence au centre des débats, et la société met l’accent sur les concepts de parentalité, de coparentalité, et depuis quelque temps d’égalité parentale.
Ces concepts et courants idéologiques influencent quelque peu, consciemment ou pas, les modes de pensée et les justifications (qui s’articulent et se formulent principalement autour de l’intérêt de l'enfant), même s’ils ne transforment pas nécessairement les modèles dont les personnes sont imprégnées par leur parcours de vie – modèles parfois révélés et renforcés par la situation de crise, et par l’entourage (parents des parents, ami(e)s, …).
Peu à peu, et soutenus par les lois récentes, des idéaux promus – et en particulier celui de l’égalité parentale – se sont partiellement traduits en modalités concrètes, applicables. Ainsi l’égalité parentale s’est-elle traduite en résidence alternée en France, et en hébergement égalitaire en Belgique.
Parallèlement, au travers des lois en faveur du « divorce sans faute », le divorce (ou la séparation de couples non mariés) évite certaines escalades qui étaient liées auparavant à cette question de faute. Dans une visée de simplification et d’humanisation, les durées des procédures sont raccourcies. Les conflits non résolus risquent-ils moins pour autant d’être reportés sur les litiges concernant par exemple les enfants ?
En matière d’hébergement des enfants, en cas d’appel au judiciaire, le juge tentera, plus qu’avant en tout cas, de soutenir et d’encourager les accords entre les parents, le cas échéant en privilégiant le renvoi vers la médiation ou d’autres formes de régulations privées. Il se situera plus qu’avant dans une posture d’accompagnement, prenant des mesures parfois provisoires, adaptant le suivi autant que possible à la situation particulière.
Lorsqu’une décision judiciaire concernant l’hébergement de l’enfant de parents séparés n’est pas respectée, les intervenants tenteront là encore de susciter la voie du dialogue, de la conciliation, et probablement encourageront les ex-conjoints à se centrer sur l’intérêt de leur enfant, en pointant l’importance de leur collaboration parentale. Parfois la décision sera réexaminée, ou la situation fera l’objet de nouvelles mesures d’investigation. Dans des situations extrêmes de rupture du lien entre un parent et ses enfants, les mesures coercitives seront envisagées, mais bien souvent alors que la situation sera déjà figée, enkystée.
Si l’évolution des mentalités, des pratiques, et du droit semblent être de nature à accroître encore la proportion des séparations parentales paisibles ou pacifiées, les illustrations[49] qui suivent permettront peut-être de cerner quelques écueils pour lesquels vigilance et clarification pourraient être indiquées.
1. Où reformuler les sentiments d’injustice ?
« Je l’ai aidé pendant 15 ans, à faire la secrétaire particulière. J’ai élevé les gosses seule. Il allait bien conduire le gamin au foot, ou des trucs comme ça, mais vous comprenez, quoi. Et vlan, il m’annonce qu’il veut qu’on se sépare. Et maintenant, il vit avec une femme qui a 15 ans de moins que lui. Et j’ai rien à dire, j’ai qu’à la boucler. Le divorce, il l’a demandé, et un an après c’était fait, j’ai rien eu à dire. Et j’ai même pas osé parler de pension alimentaire, tellement ça avait l’air « dépassé ». Comme en plus j’ai un travail … Et quand je dis qu’au moins il me laisse les gosses, enfin la garde principale, quoi, que je continue comme on a toujours fait, ben non. Il faut qu’ils soient moitié, moitié – c’est ça qu’il a demandé. « Dans l’intérêt supérieur de leurs enfants », comme dit son avocat. Moi je trouve que c’est pas normal, mais tout le monde hausse les épaules ».
Où pouvoir accuser réception des sentiments d’injustice quand il n’y a pas eu de médiation, de thérapie familiale, ou d’autre lieu de parole, et que la procédure judiciaire du divorce ne nécessite plus de débat ? Où et comment faire part aux deux parents-ex-conjoints que s’il ne peut être considéré, travaillé, ce sentiment pourrait bien alimenter la fermentation des relations concernant les enfants, ou nourrir d’autres litiges, tels que les aspects matériels et financiers ?
Où et quand dire que ce sentiment d’injustice mérite d’être entendu, reconnu, et que par ailleurs il ne justifie pas tout – et n’autorise pas à se servir des enfants, d’où l’importance de réponses à lui apporter ?
En cas de conflits entre parents-ex-conjoints, les demandes auprès du pouvoir judiciaire seront plus facilement prises en compte si elles sont formulées en termes centrés sur l’intérêt de l'enfant et les rôles parentaux : il est attendu de ces parents de « dépasser leur échec conjugal pour se concentrer sur celui de parents pour toujours ».
Lorsque les enfants sont pris à partie ou utilisés par un parent (ou les deux …) contre l’autre, comment intervenir vite et fermement, tout en soutenant parallèlement l’importance d’un travail de deuil ou de résolution ?
Déjà en vivant ensemble c’était dur, financièrement, de s’en sortir. Lors de la séparation, Solange, puéricultrice, a revendiqué la garde des deux fils (7 et 5 ans) : c’est principalement elle qui s’en est occupée, ce que Maurice, au chômage suite à la fermeture de l’usine, et en recherche d’un travail, ne conteste pas. En soi, il préférerait s’occuper des enfants la moitié du temps – et c’est ce qu’il demande, surtout maintenant qu’il est sans emploi, mais serait prêt à accepter le fait que Solange ait l’hébergement principal, d’autant qu’il a un logement un peu exigu, vu le montant des loyers (il ne désespère pas d’avoir un jour un logement social, mais quand ?). Là où les discussions sont vraiment tendues, c’est concernant la contribution alimentaire que Solange demande pour les deux enfants (200€ par enfant), ce qui est impensable pour Maurice. Peut-être pourrait-ce être revu s’il trouve un travail, mais actuellement, le maximum qu’il conçoit serait 60€ par enfant, si la garde principale est chez la mère. D’autant que Solange aurait les allocations familiales, et une déduction fiscale.
Le juge fixe l’hébergement principal chez la mère, et du vendredi soir au lundi matin une semaine sur deux (et la moitié des vacances) chez le père. Sur base des revenus actuels communiqués par les parties, le montant de la contribution alimentaire est fixé à 140€ par enfant – situation à réévaluer en cas de changement de situation de l’une des parties.
Le père va en appel, et demande formellement et avec conviction un hébergement égalitaire.
Il nous arrive régulièrement d’entendre la réaction ironique ou irritée d’un intervenant lorsqu’il perçoit que le type de modalités d’hébergement espéré par un parent est induit par l’espoir de limiter le montant des contributions alimentaires à devoir débourser, ou, dans la position de l’autre parent, d’accroître le montant de la contribution à percevoir pour l’éducation des enfants. Le réflexe professionnel est alors souvent de recourir à une méthode « objective » de calcul, qui tient bien évidemment compte et des modalités d’hébergement, et du montant respectif des revenus. « Il ne faut pas exagérer », disait un intervenant lors d’une récente réunion sur le sujet, « par la séparation, le budget de chaque parent ne double pas, il n’augmente que d’environ 30% ».
S’il n'y a pas lieu d’ignorer ou de négliger l’existence de stratégies utilisant les contributions alimentaires, on ne peut non plus faire l’impasse sur l’impossibilité matérielle à laquelle se retrouvent parfois confrontés les deux parents au moment de la séparation. Certains ménages en sortent de justesse avec deux salaires et un seul logement … Il ne s’agit pas toujours que d’une question d’objectivité ou de justice, mais aussi de la peur, de l’angoisse de ne pouvoir faire face au loyer, aux charges, aux transports et à tout ce qui devra exister en double (surtout dans un contexte où le bien-être de l’enfant sera particulièrement scruté), tout en continuant à assurer une partie des frais alimentaires, scolaires et parascolaires, médicaux, de loisirs, et autres – peur renforcée par la réalité d’un contexte économique difficile. Si l’on voit la situation d’une ville comme Bruxelles, on peut réaliser que pour des personnes aux revenus modestes qui auraient deux ou trois enfants, intégrer dans leur budget le coût d’un logement dans lequel vivre décemment relève du défi. L’autre parent sera dans une situation comparable : si même les enfants vivent moins de jours avec lui ou elle, il y aura néanmoins lieu, pour répondre aux standards actuels du « bon parent », de garantir aux enfants un confort similaire.
Gérard Neyrand et Patricia Rossi ont consacré un ouvrage à la précarisation des personnes (surtout des femmes) en situation de monoparentalité[50]. Il s’agit d’un phénomène de société qui nécessite le développement de politiques sociales adaptées – ces problèmes ne pourront se régler uniquement par l’objectivité d’un mode de calcul des contributions alimentaires.
2. Imposer un mode de fonctionnement : une violence institutionnelle ?
« C’est normal que mes enfants soient avec moi ! C’est inscrit depuis toujours dans la nature ! Faudrait quand même que les politiques arrêtent de faire des lois à cause d’une poignée de types fanatiques et frustrés de ne plus d’avoir d’autorité sur … ‘fin, ça veut pas dire que le père n’a pas d’importance, non, il a beaucoup d’importance, et la mère et les enfants ont besoin de lui, même après une séparation. Mais les enfants, c’est une maman qui les comprend et sait ce qui est bon pour eux, elle a ça dans le sang ! »
« Moi, la garde alternée une semaine sur deux, je trouve ça super. Une semaine, je suis vraiment dispo à mes filles, et la semaine où elles sont chez leur père, je fais en fonction de moi, et des nécessités. Aline, l’aînée, elle commence à râler un peu, parce qu’elle voit pas ses potes pendant une semaine, et qu’elle doit tout trimballer … Je serais pas contre qu’elle vive plus chez moi, ou chez Patrick. (…) Les capacités des deux parents ? S’ils se sont toujours occupés tous les deux des enfants, comme plein de couples maintenant, c’est bien la preuve qu’ils sont capables de le faire, pères ou mères ! D’ailleurs, c’est idiot : on accepte par des lois que les parents puissent être deux gays ou deux lesbiennes … c’est bien la preuve qu’on accepte que les capacités, c’est pas une question de père ou de mère, non ? »
« Un père, il doit toujours se battre pour obtenir ce qu’on donne à une mère sans même se poser la question. Il faudra encore beaucoup de temps pour arriver à l’égalité. Si on veut que ça change, faut déjà imposer à tous les parents séparés l’hébergement égal, 50/50. Si il y en a qui sont d’accord entre eux pour faire autrement, pas de problème, c’est leurs oignons. Mais s’ils sont pas d’accord, c’est 50/50. Sauf si c’est vraiment pas possible, et encore. S’ils aiment leurs enfants, les parents ils peuvent toujours s’arranger pour habiter pas trop loin, et tout ça ».
« La première fois que j’ai entendu parler d’égalité, c’est au divorce ».
« Les enfants iront chez leur mère quand ils auront 16 ans. Ils sont très bien ici, ma nouvelle femme s’occupe très bien d’eux, ils n’ont besoin de rien. Leur mère est hystérique, à faire plein de cinéma devant l’ambassade. Regardez, ils sont bien ici, ils ont de la bonne nourriture, je regarde qu’ils étudient bien. Et je veille aussi à ce qu’ils respectent leur mère. C’est sacré une mère. Surtout quand les enfants sont petits. Et vous verrez, ils la respecteront plus tard aussi. Mais maintenant, il faut les laisser tranquilles avec ces histoires de justice ».
Ces exemples, inscrits relativement clairement dans une vision, qu’elle soit patriarcale ou théocratique, naturaliste ou rousseauiste, égalitaire ou démocratique, parlent par eux-mêmes. Laissent-ils la place à une vision différente chez l’autre ? Sont-ils de nature à empêcher l’autre d’exercer ses droits et devoirs ? L’application « à la lettre » de modalités telles qu’un hébergement égalitaire laisse-t-elle une place à l’attention fine des besoins de chacun, y compris de l’enfant, et serait-elle un signe de recherche de l’appui structurant de la loi[51] ?
Face à des parents « réticents à l’idée qu’il est souhaitable pour l’enfant de garder contact » avec l’autre parent, les intervenants peuvent-ils, ou doivent-ils, imposer un « mode de fonctionnement entièrement contraire à leur idée de la famille », exerçant en cela une « violence institutionnelle »[52] sur eux ?
« Oui, j’ai emmené les petits avec moi, et c’est ce qu’ils veulent, de rester avec moi, ils ne veulent pas retourner chez leur père. C’est normal, il ne s’est jamais occupé d’eux, et s’il les veut, c’est juste pour montrer qu’il a gagné. C’est un pervers narcissique. Je sais bien qu’il y a un jugement, et que je risque d’être condamnée en Belgique à de la prison si je ne renvoie pas les enfants, même si c’est bête de mettre une mère en prison parce qu’elle aime ses enfants. Mon avocat, il me disait que j’allais avoir des ennuis, mais il disait aussi qu’il n’avait jamais connu de mère en prison pour ça. Je l’ai dit à mes gosses pour les rassurer. De toute façon, ce sont mes enfants, et personne ne me les prendra ».
3. Des perspectives face aux situations les plus enkystées
On pourrait attribuer comme causes principales à la difficile résolution des enlèvements parentaux internationaux la souveraineté des Etats et les différences interculturelles. Ces causes apparaissent toutefois moins centrales lorsque l’on réalise que les non-représentations d'enfants au sein même d’un pays ne se résolvent pas nécessairement plus rapidement ou facilement – sans pour autant négliger les différences en termes de déplacements, de langues, de coûts, de coupure totale du lien, etc.
« Ça fait trois ans et demi que je ne les vois plus, alors qu’ils sont à même pas 20 km d’ici. Elle leur a fait un lavage de cerveau, elle respecte pas les décisions du juge. En fait, la loi, c’est elle. Et maintenant, vous savez ce qu’ils m’ont dit au tribunal ? Que je devrais faire une médiation … Mais p… ! On a passé des mois à faire médiations, expertises, et tout, et tout. L’expert a dit : espace rencontre. Le juge a dit : espace rencontre, parce que, même si j’ai rien fait de négatif (et ça, ils disent tous que je suis un bon parent), comme mes gosses ont peur de moi, il valait mieux un lieu comme ça. J’ai attendu plein de fois à l’espace rencontre, et elle les a jamais amenés, y avait toujours une bonne raison. Ça a servi à rien du tout, ou même c’est pire qu’avant. Et maintenant il y a un jugement, un arrêté de la cour d’appel, et c’est pas encore bon, comme elle est pas appliquée, il faut la revoir. Mais ils n’ont qu’à écrire tout de suite dans le jugement ce qu’elle veut, alors ! Et même ça, je ne sais même pas si elle le respectera ! »
« Avec le recul, si je devais donner un conseil … excusez-moi, je suis cynique, hein, mais c’est comme ça. Si vous n’êtes pas d’accord avec une décision, c’est simple : vous ne la respectez pas. Au mieux, l’autre accepte ce qui vous convient, ou vous trouvez entre vous un autre accord qui vous convient. Au pire, on vous « conseillera » une médiation. Et surtout acceptez-la. Et avant que la médiation se mette en place … et si vous remettez quelques rendez-vous parce que vous avez une migraine subite, ou un déplacement professionnel imprévu, y aura encore des mois de passés, toujours sans qu’on vous emm… parce que vous n’avez pas suivi le jugement. Et puis on arrivera à la conclusion que la médiation n’a pas abouti, le médiateur pourra même pas dire pourquoi, et avant que vous ayez des ennuis avec la justice, vos enfants seront majeurs depuis longtemps. C’est comme ça qu’ils font, ceux qui ont ce qu’ils veulent. Et tant pis pour celui ou celle qui essaie de jouer dans les règles et qui croit à la justice, et qui fait vraiment ça pour ses enfants ».
Face au blocage total, à la rupture du lien entre un parent et son enfant, au dénigrement de ce parent par l’enfant sans que les faits ne semblent le justifier, et vu la difficulté abordée plus haut de faire exécuter une décision refusée par un parent, deux visions opposées (et il y a bien entendu toutes les nuances intermédiaires) pourraient motiver les intervenants.
Selon la première, imprégnée d’un certain pragmatisme (mais aussi d’un esprit de déjudiciarisation et de renvoi vers les régulations privées ou l’autorégulation), il y aurait lieu de prôner la recherche d’une décision plus adaptée, qui devrait nécessairement être négociée entre les deux parents : après tout, si la décision est à ce point refusée par l’un d’eux, c’est qu’elle ne lui convient vraiment pas, et ce n’est pas en la lui imposant qu’elle lui conviendra mieux. De plus, et c’est souvent un argument développé, il est essentiel de faire tout pour que le parent écarté puisse renouer ou garder le contact avec l’enfant, et ceci justifierait d’accepter jusqu’à un certain point les limites ou exigences de l’autre parent. C’est entre autres dans cette voie que s’inscrivent certaines tentatives de médiations (internationales, dans les cas d’enlèvements internationaux), parfois sur injonction de la justice, ou des tentatives de renouement du lien parent-enfant dans un espace-rencontres. Cette voie est parfois entreprise sans tenir suffisamment compte de ce qu’elle demande comme abnégation de la part du parent coupé de son enfant, à qui il reste comme principal support symbolique l’existence d’une décision judiciaire ou d’un accord qui avait été pris entre parents. L’idéalisation du dialogue fait parfois également entreprendre cette voie alors que tout indique que l’un des parents au moins n’est pas du tout prêt au dialogue, voire est, peut-être consécutivement à la crise qu’il vit, potentiellement toxique pour ses enfants ou pour poursuivre des relations supposées coparentales.
L’autre vision refuserait de partir de la situation de fait imposée par le parent qui « capte » l’enfant : il s’agirait là d’une toute puissance inacceptable, opposée au respect des droits de l’enfant d’entretenir des relations de qualité avec ses deux parents, et qui devrait mener, aussi difficile qu’elle soit à concrétiser, à une intervention ferme du pouvoir judiciaire : (menace d’-) inversion des modalités d’hébergement (« puisque vous n’avez semble-t-il pas l’autorité suffisante pour imposer à votre fils d’aller chez son père, sans amélioration d’ici un mois, nous allons confier à celui-ci – qui lui se porte garant de veiller aux relations entre l’enfant et vous – l’hébergement principal de votre fils »), astreinte, etc. Cette voie néglige peut-être quelque peu l’évolution d’une société qui n’est plus prête à soutenir les voies non négociées. Elle sous-estime parfois la possible ou probable construction de remparts de plus en plus insurmontables (et donc parfois l’impossibilité d’agir des pouvoirs publics) chez le parent qui, dans la conviction de son bon droit, souvent soutenu par quelques proches, se posera en victime aux yeux de son enfant (« on veut me mettre en prison parce que je t’aime ») menant jusqu’à une association de victimes vis-à-vis d’un parent supposé bourreau.
Dans l’espace délimité par ces deux visions opposées se sont développées au cours des dernières années diverses approches, telles que le « modèle de Cochem »[53], ou la guidance parentale[54] ou judiciaire, qui prônent le dialogue, l’écoute, et la recherche pacifique de solutions, mais dans un calendrier clairement établi, prévoyant par exemple la reprise dans un délai fixé et court des contacts entre un parent et ses enfants, et mettant sous pression le parent qui s’y opposerait pour des raisons qui ne semblent pas réellement centrées sur l’intérêt de l'enfant et celui des deux parents.
Puissent encore s’en développer d’autres, nécessairement adaptées aux cultures spécifiques d’un pays, voire d’une région. Puissent-elles tenir compte des besoins de chaque parent, ce qui implique à chacun d’eux de prendre en compte les besoins légitimes de l’autre. Puisse, dans ce contexte, l’intérêt de l'enfant et ses droits être remis à une juste place : une attention privilégiée, et non un alibi sur lequel s’appuieraient des ex-conjoints et parents (voire des intervenants) soumis eux aussi à la pression que la société contemporaine fait peser sur eux.
En guise de conclusion
Comment mieux clôturer cet article qu’en empruntant à Maggy Siméon et Geneviève Herinckx les termes du titre de l’un de leurs articles : « Vers une bientraitance des interventions multidisciplinaires au cours de la séparation »[55]. Il s’agit bien de cela : développer une bientraitance des interventions, de fait devenues plurielles, face à une famille elle aussi plurielle[56]. Une telle démarche nécessite notamment de conscientiser tant les parents que les intervenants des codes[57] spécifiques des divers champs d’intervention : les repères et codes de la médiation ne sont pas, et ne doivent pas être ceux de la thérapie ou de la justice[58].
Il en est de même pour le rapport au temps : le temps de la décision judiciaire urgente et provisoire n’est pas celui du travail de fond, en médiation ou en thérapie, et l’un ne peut remplacer l’autre. Le temps qui arrange bien les choses, ou le temps qui « permet au béton de prendre »[59].
Reste donc, dans cet esprit de bientraitance, à créer, échanger, réfléchir, s’inspirer de l’expérience parfois heureuse de parents, d’enfants devenus grands, et d’intervenants, et surtout à conscientiser les parents et futurs parents, et donc les professionnels, du bénéfice de trouver, à travers le conflit potentiel, des solutions parfois imparfaites mais acceptables, parfois inattendues, aussi respectueuses que possible de chacun.
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Notes de bas de page
[1] On pointera ici particulièrement les lois belges.
[2] LIMET O., Parents séparés : contraints à l’accord ? Une analyse à partir de la loi 2006 sur l’hébergement égalitaire : contexte, discours et pratiques du judiciaire face à la non-représentation d'enfants, Liège, Edi.pro 2009 (voir www.limet.org).
[3] Voir notamment : THERY I., Le démariage, Paris, Odile Jacob, 1993, pp 115 et suivantes ; NEYRAND G., L’enfant face à la séparation des parents – une solution, la résidence alternée, Paris, La Découverte, 2004, (Alternatives sociales) – (première édition : Paris, Syros, 1994) ; EHRENBERG A., « Fatigue, énergie, dépression dans les sociétés démocratiques », in Les Cahiers du GREP Midi-Pyrénées, N° 17-18, 1997-1998
[4] Chiffres cités par Jacques Marquet - voir MARQUET J., « De la contractualisation des liens conjugaux : du mariage par amour à la rupture pour désamour », in CASMAN M.-T., SIMAYS C., BULCKENS R., MORTELMANS D., Familles plurielles – Politique familiale sur mesure ?, Bruxelles, Luc Pire, 2007 (Etats généraux des Familles), p 45.
[5] THERY I., Le démariage, Paris, Odile Jacob, 1993, pp 109-116.
[6] NEYRAND G., « L’évolution du regard sur le lien parental - Approche socio-historique de la petite enfance », in Devenir, 2002/1, Volume 21, p. 27-55.
[7] PHELIP J., Le livre noir de la garde alternée, Paris, Dunod, 2006 (coll Enfances).
[8] NEYRAND G., « Séparations parentales et liens aux enfants », in Fondation pour l’enfance, La protection des enfants au cours des séparations parentales conflictuelles – Actes Colloque 2007, Paris, Fondation pour l’enfance, 2008, p 14
[9] SERVAIS P., La place de l’enfant en Europe envisagée du point de vue de l’historien, Louvain-la-Neuve, UCL, www.icampus.ucl.ac.be/ (consulté en février 2009)
[10] NEYRAND G., Le dialogue familial – un idéal précaire, Toulouse, érès, 2009, p 64
[11] Même si la « nouvelle » convention internationale des droits de l’enfant ne voit le jour qu’en 1989, le processus de démocratisation de la famille et du développement des droits de l’enfant s’est entamé 20 ans plus tôt.
[12] LEBRUN J-P., « Avatars et désarrois de l'enfant-roi », in GAVARINI L., LEBRUN J-P., PETITOT F., Avatars et désarrois de l'enfant-roi, Bruxelles,Temps d’arrêt, 2002.
[13] DEKEUWER-DEFOSSEZ F., « Droits de l’enfant et responsabilités parentales », in de SINGLY F. (dir), Enfants Adultes – Vers une égalité de statut ?, France, Universalis, 2004, (Le tour du sujet), pp 36-37
[14] Les lignes qui suivent sont largement inspirées de LIMET O., « L’affaiblissement de l’autorité », in Parents séparés : contraints à l’accord ? Une analyse à partir de la loi de 2006 sur l’hébergement égalitaire : contexte, discours et pratiques du judiciaire face à la non-représentation d’enfants, Liège, Edi.pro, 2009, pp 50-52.
[15] LEBRUN J.-P., « Quelle légitimité pour l’autorité », in Exposant Neuf, 2001, N°3, janvier-février, p 21
[16] LEBRUN J-P., « Les avatars de l’équipe soignante aujourd’hui », in MEYNCKENS-FOUREZ M. (ed) et VANDER BORGHT C. (ed), Qu'est ce qui fait autorité dans les institutions médico-sociales ?, Ramonville Saint-Agne, érès, 2007 (coll Empan)
[17] LEBRUN J-P., « Les avatars de l’équipe soignante … », op. cit.
[18] DE MUNCK J., VERHOEVEN M., Les mutations de la norme, Bruxelles, De Boeck Université, 1997, (Coll Ouvertures sociologiques), p 14
[19] LEBRUN J-P., idem
[20] ROSANVALLON P., THERY I., et coll. France : Les révolutions invisibles, Paris, Calmann-Lévy, 1998, cités par LEBRUN J-P., « Les avatars de l’équipe soignante aujourd’hui », op. cit., p 46
[21] A ce propos, et sur le plan de la société dans son ensemble, je ne résiste pas à donner un exemple que j’ai cité à plusieurs reprises au cours d’interventions récentes concernant la comparaison entre deux panneaux publics. Sur le premier, datant probablement du début des années 60, adossé au mur arrière de mon école d’enfance, on pouvait lire ceci : « défense d’uriner sur ce mur sous peine de confiscation ». Au-delà de l’humour, on retrouve les critères de la référence à ce qui est permis et défendu, à une règle fixe extérieure à soi, aux conséquences de son non-respect. Sur le second, actuel, et posé à l’entrée d’une réserve naturelle du Cap Sizun, en Bretagne, il est inscrit : « pour votre sécurité et votre plaisir, acceptez ces règlementations : respectez la lande et les oiseaux en restant sur le chemin balisé ». On mobilise ici la bonne volonté individuelle, l’adhésion à des règles de respect, par le biais de la prise de conscience de ce que cela rapporte à chacun, en « surfant » sur la vague de deux valeurs à la mode : la sécurité et le plaisir.
[22] JUSTON M., La médiation familiale, vade-mecum http://bien.etre.enfant.free.fr/IMG/pdf/vademecum_juston.pdf, p 52
[23] THERY I., Le démariage, Paris, Odile Jacob, 1993, p 115 et suivantes.
[24] Selon Hubert Van Gijseghem.
[25] Lors d’un colloque fin des années 90, la pédopsychiatre belge Catherine Marneffe avait pointé que les termes « garde » et « droit de visite » étaient les termes utilisés par le milieu carcéral … Tant en Belgique qu’en France, la notion de garde laisse la place, d’une part, à l’exercice (conjoint) de l’autorité parentale, et, d’autre part, à la fixation des modalités d’hébergement (ou de résidence) de l’enfant.
[26] Certains pensent d’ailleurs que, les ex-conjoints se sentant plus et mieux écoutés sur la scène parentale que conjugale, ce glissement pourrait se faire au détriment de la résolution des conflits conjugaux. Voir notamment MARQUET J. (dir), L’évolution contemporaine de la parentalité, Gent, Academia Press, 2005, p 78.
[27] NEYRAND G., « Séparations parentales et liens aux enfants », in FONDATION POUR L’ENFANCE, La protection des enfants au cours des séparations parentales conflictuelles – Actes Colloque 2007, Paris, Fondation pour l’enfance, 2008, p 16
[28] NEYRAND G., « Séparations parentales et liens aux enfants », op. cit., p 200.
[29] COMMAILLE J., Misères de la famille question d’Etat, Paris, Presse de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1996, pp 38-42, cité par NEYRAND G., « L’évolution du regard sur le lien parental Approche socio-historique de la petite enfance », in Devenir, 2002/1, Volume 21, p. 30.
[30] NEYRAND G., Le dialogue familial – un idéal précaire, Toulouse, érès, 2009, p 64
[31] GENARD J.-L., « La médiation en contexte », in Médiation & santé mentale, Les Cahiers de la Santé de la Communauté Française, Bruxelles, 2004, p 19.
[32] BASTARD B., Les démarieurs – Enquête sur les nouvelles pratiques du divorce, Paris, La Découverte, 2002, (Alternatives sociales), p 189.
[33] DEKEUWER-DEFOSSEZ F., « Droits de l’enfant et responsabilités parentales », in de SINGLY F. (dir), Enfants Adultes – Vers une égalité de statut ?, France, Universalis, 2004, (Le tour du sujet), p 43.
[34] LIMET O., « Les représentations des intervenants sur la loi 2006 et sur l’intérêt de l'enfant », in LIMET O., Parents séparés : contraints à l’accord ? Une analyse à partir de la loi 2006 sur l’hébergement égalitaire : contexte, discours et pratiques du judiciaire face à la non-représentation d'enfants, Liège, Edipro 2009, pp 68-79
[35] NEYRAND G., Le dialogue familial – un idéal précaire, Toulouse, érès, 2009, p 186
[36] NEYRAND G., « Séparations parentales et liens aux enfants », in FONDATION POUR L’ENFANCE., La protection des enfants au cours des séparations parentales conflictuelles – Actes Colloque 2007, Paris, Fondation pour l’enfance, 2008, pp 11-17
[37] NEYRAND G., Le dialogue familial – un idéal précaire, Toulouse, érès, 2009 p 112.
[38] CHEVALLIER J., L'État postmoderne, LGDI, 2004, 2e éd., p. 123, cité in MATHIEU B., « La normativité de la loi », in La Normativité, études réunies et présentées par Jacques Chevallier, Cahiers du Conseil constitutionnel N° 21, avril – septembre 2006, Paris, éditions Dalloz, 2006
[39] CHAMPEIL-DESPLATS V., « N'est pas normatif qui peut. L'exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in La Normativité, études réunies et présentées par Jacques Chevallier, Cahiers du Conseil constitutionnel N° 21, avril – septembre 2006, Paris, éditions Dalloz, 2006
[40] MATHIEU B., « La normativité de la loi », in La Normativité, études réunies et présentées par Jacques Chevallier, Cahiers du Conseil constitutionnel N° 21, avril – septembre 2006, Paris, éditions Dalloz, 2006, p 7
[41] Le lecteur intéressé trouvera sans difficulté le texte (dont l’essentiel tient sur deux pages) de la loi sur internet, à partir de son intitulé complet.
[42] JUSTON M., La médiation familiale, vade-mecum http://bien.etre.enfant.free.fr/IMG/pdf/vademecum_juston.pdf p 52
[43] Le lecteur intéressé par une critique du « droit doux » et sur le caractère provisoire des décisions judiciaires qui en découle trouvera une analyse à ce propos dans l’article de MATHIEU B., cité plus haut.
[44] Il y aurait chaque année en Belgique de l’ordre de 20.000 plaintes officielles (ce qui laisse de côté toutes les situations non déclarées et donc non recensées) pour non-représentation d'enfants, et elles concerneraient de l’ordre de 7.000 nouveaux dossiers chaque année (plusieurs plaintes peuvent être déposées pour un même dossier). Voir LIMET O., Parents séparés : contraints à l’accord ? Une analyse à partir de la loi 2006 sur l’hébergement égalitaire : contexte, discours et pratiques du judiciaire face à la non-représentation d'enfants, Liège, Edipro 2009, pp 19-20.
[45] DANDOY N, REUSENS F, « L’hébergement égalitaire », in J.T., 2007, p 186, cité par HIERNAUX G., « La loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l’hébergement égalitaire et règlementant l’exécution forcée en matière d’hébergement d’enfant », in Revue trimestrielle du droit familial, Larcier, 1/2007, p. 49
[46] LIMETO., « L’exécution de la décision », in LIMET O., Parents séparés : contraints à l’accord ? Une analyse à partir de la loi 2006 sur l’hébergement égalitaire : contexte, discours et pratiques du judiciaire face à la non-représentation d'enfants, Liège, Edipro 2009, pp 115-129
[47] Je n’aborde pas ici d’autres changements importants qu’a apportés cette loi.
[48] RENCHON J.-L., « Le nouveau divorce pour cause de désunion irrémédiable », in LELEU Y.-H., PIRE D. (dir), La réforme du divorce – Première analyse de la loi du 27 avril 2007, Liège, Larcier, 2007.
[49] Les illustrations mises en exergue au fil des prochaines pages proviennent ou s’inspirent d’un matériau que l’auteur a collecté au cours des dix dernières années à partir de témoignages publics, débats judiciaires, débats médiatiques, colloques, notes d’entretiens, écrits, … Ces textes n’ont donc pas ici pour finalité de constituer un matériau d’analyse, mais bien d’illustrer les sujets abordés dans cet article.
[50] NEYRAND G., ROSSI P., Monoparentalité précaire et femme sujet, Ramonville Saint-Agne, érès, 2004
[51] Revoir l’apport de G. Neyrand, dans le point « Des parents imprégnés de modèles liés à leur parcours de vie » plus haut.
[52] BASTARD B. et CARDIA-VONECHE L., « Voyage au cœur de la question familiale », in BASTARD B. (dir), L’enfant séparé – Les voies de l’attachement, Paris, Editions Autrement, 2001, (« Mutations » - revue mensuelle – N° 208 – octobre 2001), p 103.
[53] Voir notamment l’article de Traudl Fuechsle-Voigt sur http://www.acalpa.org/suces_modele_cochem.htm
[54] Voir les articles de Benoît Van Dieren sur www.separation.be
[55] SIMEON M. et HERINCKX G., « Vers une bientraitance des interventions multidisciplinaires au cours de la séparation », in Thérapie familiale, Vol. 25, no 4, 2004, pp 453-471
[56] CASMAN M.-T., SIMAYS C., BULCKENS R., MORTELMANS D., Familles plurielles – Politique familiale sur mesure ?, Bruxelles, Luc Pire, 2007 (Etats généraux des Familles)
[57] SIMEON M. et HERINCKX G., op . cit.
[58] Ceci m’offre la possibilité de réaffirmer mon malaise vis-à-vis de « médiations » menées en salle d’audience …
[59] Merci à Benoît Van Dieren pour sa métaphore.